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Transparence et liberté : (é)preuves de démocratie

La crise du coronavirus remet en lumière les ombres de notre vitalité démocratique. La démocratie cesse d’agir pour le bien commun dès lors que « nous regardons ailleurs » si « la maison brûle ». Autrement dit : si nous négligeons la double épreuve de la transparence et de la liberté, l'incendie prolifère. Tentative d’explication.

Un virus bouleverse les institutions partout dans le monde. Dans l’urgence, les citoyens ont besoin d’action, tandis qu’une bonne « gouvernance » se nourrit de vision. La crise sanitaire met l’accent sur les notions de transparence et de liberté qui forment ensemble, de façon indissociable, le cœur de « nos » décisions en démocratie.

Que nous disent les sciences, et leur histoire, au sens où l’entendent par exemple Karl Popper et Gaston Bachelard ? Que la controverse forge la meilleure hypothèse de travail pour définir de quelle façon le « savoir » – toujours fragile – peut servir l’intérêt général du moment.

Climat, virus, complexité

Avant d’évoquer le virus, prenons le climat. Le sujet fâche (dur) autant qu’il fait consensus (mou). Depuis plus de trente ans, le GIEC ne cesse d’alerter nos dirigeants sur les rouages humains des accidents climatiques récurrents. Les rapports des experts sur le changement global climatique ont largement pratiqué ce que les sciences mettent en œuvre habituellement : la controverse.

A lire les rapports du GIEC, l’on comprend que « l’unanimité », dont parlent certains médias, est un terme abusif, un faux-semblant. Le travail du GIEC conclut que, si le climat change tout seul sur le temps long, c’est-à-dire sans la main de l’Homme, eh bien malgré tout, les actions humaines contemporaines – prédations des ressources et émissions de gaz à effet de serre - accélèrent la répétition des accidents climatiques.

Résultat : notre habitat humain devient instable par notre faute, et nos pratiques économiques et sociales sont en cause. Conclusion : s’adapter ensemble devient urgent. Il faudrait donc que la « gouvernance » prenne des décisions utiles à l’intérêt général, qui n’est pas la somme des intérêts particuliers. Mais le fameux « consensus mou » reprend du poil de la bête et exprime son éclatant paradoxe : si l’urgence devait faire la loi, notre économie ne s’en remettrait pas. C’est grosso modo le discours que vient de tenir le gouvernement du Québec. Paradoxe démocratique : nous savons, mais nous n’agissons pas.

Dans notre modèle de démocratie, fondé sur la recherche du bien-être par les profits tirés de l’économie matérielle, la science doit servir le politique. Mais ce service n’est manifestement utile que lorsque « cela nous arrange ». Reste donc à savoir ce que recouvre ce « nous ».

Dans Le bug humain (Ed. Robert Laffont), le docteur en neurosciences Sébastien Bohler apporte un éclairage inquiétant à cet aspect de la démocratie. En résumé, explique Bohler (à écouter ici dans une émission radiophonique de France Culture), notre cerveau oriente naturellement notre économie vers la théorie de la croissance sans fin. Autrement dit, le « nous » démocratique serait une somme de « moi », chacun à la recherche incessante de sa propre satisfaction.

Si ce « mouvement volontaire » de notre mental freine notre capacité à contrecarrer la marche prédatrice qui nous ronge la tête, que faire ? Pour changer la donne, la méditation de pleine conscience serait à la portée de chacun, estime Bohler...

Que peut produire cette hypothèse appliquée à la démocratie ? La transparence d’un tel discours scientifique nous ramène à la liberté démocratique : que choisir, ensemble ? Toujours plus ? Tout autre chose ? Une diversité de comportements juxtaposables ?

Si les dirigeants, et nous tous collectivement, sommes des « têtes rongées », sourdes à la raison naturelle, comment infléchir le « mouvement » général ? Science et démocratie ont un point commun : la complexité. Étymologiquement : ce qui est « tissé ensemble ».

Venons-en au coronavirus, le désormais célèbre Covid-19. L’épidémie a tué, depuis mars, près de 11 000 personnes en France, selon un bilan daté du 8 avril 2020. Le ministère français de l’économie prédit une récession à -6% du PIB national cette année.

Les pollutions engendrées par notre modèle économique mondial (qu’il soit ou non soutenu par un système démocratique) sont soupçonnées d’accélérer la contagion virale, si l’on en croit notamment des chercheurs italiens. Si l’hypothèse est évidemment controversée, le lien entre problèmes respiratoires et particules fines est attesté scientifiquement.

Le 17 mars 2020, le site internet Reporterre a souligné les effets bénéfiques du ralentissement de l’économie consécutif au confinement des populations : une baisse radicale des pollutions sur la planète.

Mais combien de « grand médias » préfèrent le simplisme et la réduction de la pensée pour « vendre » une « ligne éditoriale » ? Combien de gouvernements préfèrent flatter les opinions publiques pour assurer la réélection de leurs « élites » ? Le buzz se vend si bien, dans l’économie de marché, que la controverse démocratique peut continuer.

Entre transparence et liberté, notre cœur - pardon ! notre cerveau balance toujours. Les dirigeants de notre modèle politique cherchent, à juste titre, à contrecarrer le virus… tout en sauvant l’économie. Objectif : rassurer les populations et continuer comme avant.

Sur le site internet du gouvernement français, nous lisons (le 7 avril 2020) : « Selon les dernières publications scientifiques, le virus peut, dans des conditions propices, survivre sous forme de traces plusieurs heures à plusieurs jours sur une surface contaminée par des gouttelettes. Toutefois, ces études ont évalué la présence de matériel génétique, et non pas de virus vivant. De l’avis des experts, la charge virale du virus diminue très rapidement dans le milieu extérieur, et en quelques minutes, celui-ci n’est plus contaminant. »

Quel sens donner au débat démocratique ?

Jusqu’à présent, la science « connaissait » les versions animales du coronavirus, dont le terme apparaît au début des années 2000. Un rapport de la CIA, fruit d’un travail d’experts remis en 2005, et publié en France en 2009 (préface d’Alexandre Adler, Ed. Robert Laffont) ressort opportunément ces jours-ci. On peut y lire que la pandémie qui nous touche était annoncée pour… 2020 !

Étonnant ? Pas tant que ça.

Tout comme les rapports du GIEC, la prospective de la CIA éclaire le débat démocratique. Mais que faisons-nous de cette transparence ? Que faisons-nous ensuite de notre liberté ? Sans une éducation à la complexité, sans une volonté d’informer de façon complexe, il y a fort à parier (le cerveau adore les paris) qu’aucun débat démocratique n’usera vraiment de la transparence comme outil de sa liberté.

Combien de « grand médias » préfèrent le simplisme et la réduction de la pensée pour « vendre » leur « ligne éditoriale » ? Combien de gouvernements préfèrent flatter les opinions publiques pour assurer la réélection de leurs « élites » ?

Question de complexité.

Laurent Watrin

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