Le colportage sur nos écrans, c'est quand même moins drôle, non ? Tentons d'y voir un peu plus clair.

Un marchand de glace ambulant gare sa camionnette rose sur la place du village : les enfants se précipitent au son de sa ritournelle. Le téléphone sonne : une cuisine équipée attend la famille au bout du fil. Nos boîtes aux lettres se remplissent parfois de prospectus envahissants : les derniers produits à la mode sont disponibles sur catalogue. Un rempailleur de chaise frappe à la porte, en plein repas dominical : la grand-mère jette un œil méfiant à sa fenêtre. Un garçon hèle la Une des journaux pour engranger l'argent du passant. Un homme-sandwich vante le dernier arrivage du boucher du quartier. Un vitrier trimballe son attirail opportunément après la tempête...

Tout cela, c'était avant.

Le chaland pouvait décliner le regard et le portefeuille, entrer ou non en relation, discuter le bout de gras et la météo au passage. En tout cas, l'attention pouvait se porter ailleurs, et la vie continuait son cours.

Aujourd'hui, c'est différent.

Les publicités et les tentations multiples sont bombardées en permanence, instantanément, et directement sur nos écrans, et nos écrans sont parfois devenus nos... vies !

Vous souhaitez une boîte mail sans publicité toutes les trente secondes ? Payez-donc un supplément à votre fournisseur ! Vous aimeriez un smartphone qui ne renifle pas vos déplacements et vos habitudes ? Débranchez-le ! Vous aviez l'intention de parler à quelqu'un pour comprendre le message reçu ? Personne au bout de l'algorithme ! Parmi les plus jeunes des connectés d'aujourd'hui, certains sont fiers d'arborer la marque de leur tee-shirt, qu'ils ont payé très cher pour en faire eux-mêmes la pub !

La vie moderne est formidable : elle a inventé le consommateur-colporteur. Ce type est à la fois acheteur de la publicité qui le transforme en homme-sandwich et consommateur du produit qu'il vante lui-même.

Franchement, Internet, c'était bien mieux avant, non ?